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dimanche 11 mars 2012

LA VIE CONTRARIEE DE LOUISE DE CORINNE ROYER.. PEUT ON INFLECHIR SON DESTIN?



Question lancinante d'une auteure de talent telle Corinne Royer qui après M comme Mohican nous sert ce superbe livre venu du tréfonds de l'histoire de notre pays.
Quand le vent de l'histoire qui charrie ses nuages de mémoire collective peut interférer avec l'intime des individus et les tourmenter dans une lancinante question.Sans mémoire sommes-nous vivants ou morts ?
Bonne question posée par Corinne Royer dans son dernier roman qui a choisi la terre des « Justes parmi les nations » dans cette commune du Chambon sur Lignon.

La mémoire dans notre société actuelle, est devenu un devoir de chaque citoyen car l'oubli est facteur de danger.

Ce village fut la seule commune de France à se targuer de la distinction en sauvant des juifs en grand nombre avec une folle générosité qui contrasta avec l’austérité protestante de ces cévenols. La vie contrariée de Louise est un très beau récit en alternance mêlant le passé, un journal, celui de Louise sous le joug des allemands et la quête d’un américain à la recherche de ses racines. Cet américain c’est James Nicholson tout droit débarqué des Etats Unis pour y rencontrer Louise sa grand-mère. Mais le sort en décide tout autrement, Louise décède le jour de l’arrivée de James qui n’a plus que ce journal intime de l’aïeule pour se plonger dans son passé.
James doit il partir??
Extrait du livre:
"Comment partir sans rien savoir de Louise ? Tant d'attachement à cette femme jusqu'alors inconnue lui inspirerait forcément un retour sur cette terre protestante, aux confins de l'Ardèche et de la Haute-Loire, avec ses maisons aux toits de lauze, ses murs de pierre grise, ses hameaux raturés, les lieux d'un crime qu'il n'avait pas commis mais dont il se sentait pourtant coupable.
En se redressant, il porta la main à son estomac. De cette faim de loup qui à présent le tenaillait, il décida de se libérer avant toute chose. Car du reste, de la masse oppressante et sombre qui enflait dans sa poitrine, de cette bête insatiable qui lui dévorait les tripes et dont il sentait le souffle soulever ses côtes, il lui semblait que jamais il ne pourrait se défaire. Jamais il ne pourrait seulement la museler. Sans doute, sa faim assouvie, rasséréné par le lent ressac des sucs gastriques dans son corps, tournerait-il le dos sans remords ni regret à cette souche familiale dont il avait jusque-là ignoré les racines et dont la frondaison ne l'avait jamais abrité des petites et grandes tracasseries de la vie.
Il hésitait."



Très originale approche de faire lire ce journal par Nina la serveuse de bar qui va en voix off dérouler les images et l’atmosphère de l’époque. Souvent jugée trouble, l’âme française y est réhabilitée par cette France généreuse, discrète et taciturne qui protégea des milliers de réfugiés dans ses fermes reculées. Pourtant et c’est l’intérêt du livre tout n’est pas parfait comme si la béatitude devait se gagner par le péché, avec l’ombre et la lumière qui nimbent notre vérité Louise avait une liaison avec France l’occupant nazi ;la lettre cachée dans un médaillon révèle le terrible secret des enfants que Louise et Franz vont chercher à sauver, chaque lecteur sera convié à l’ alternative, dire ou ne pas dire la vérité ? et celà dépendra du bon vouloir de Nina narratrice et traductrice à la fois… renforçant ainsi le vieil adage selon lequel, toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire.

Quelle lourde charge pèse sur les épaules de Nina qui ne veut pas porter le deuil des 18 petits poucets et qui impose son rythme à James, ce cahier rouge qui distille petit à petit la vérité, sa vérité En évitant tout pathos et toute description clinique de l’histoire qu’elle ne tenait d’ailleurs pas à refaire, l’auteure nous transporte au cœur de sa démarche mémorielle, avec ses doux euphémismes pour désigner les occupants sous le nom d’Ogres et les enfants sous le nom de Petits Poucets. Curieusement cette pudeur exacerbe la tragédie de ces petits loupiots qui ont leur destin entre les mains d’un couple interdit. L’amour a sa place dans les situations les plus pénibles et c’est ce qui rend les personnes éminemment humaines et fragiles à la fois. Des héros ordinaires qui sont comme nous mais dont la beauté de leurs gestes et l’impureté de leur comportement n’en rend que leur action plus sublime. Terre reculée et lointaine mais si hospitalière qui a vu défiler Virginia Hall, le plus célèbre agent secret féminin de la seconde guerre mondiale et Albert Camus qui a trouvé, en 1942 dans ces collines cévenoles, le refuge dans la Pension de famille Oettly, pour y soigner sa tuberculose et y rédiger le Malentendu et une grande partie de La Peste. En ces temps où les législateurs s’emparent du devoir mémoriel pour refaire l’histoire, Corinne ne fait pas l’histoire, elle la raconte sans prétention d’authenticité historique ce dont le lecteur lui saura gré, un lecteur transporté au cœur de l’ambiance du moment, ce qui est le très bon travail attendu de l’écrivaine. Personne ne peut se soustraire à son destin, ce livre est pour moi un bréviaire à la foi de l’humilité et de l’humanité.

Editions: Héloïse d'Ormesson
Prix:18€
Nombre de pages :232

EAN13 : 9782350871899
Date de parution : 15/03/2012

Henri-Albert Delorme© Le MagChic Mars 2012

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