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Chic,choc et charme



dimanche 4 octobre 2009

LA PLUME DE KARINE



Avec ce premier roman, Corinne Royer frappe d’emblée très fort : désormais, il faudra compter avec elle dans le sérail des grands auteurs, ceux dont on attend impatiemment le nouvel opus, ceux que non seulement on lit, mais qu’on relit. Ceux qui, comme dans le cas présent, donnent envie de partager l’enthousiasme suscité par la lecture de leur oeuvre.

Claire, une quadra à laquelle la vie réussit dans tous les domaines, épouse et mère épanouie, photographe de talent, va soudain sortir des rails paisibles d’une vie bien rangée. Une sortie de route due à la rencontre avec un homme de pouvoir qu’elle a follement aimé vingt ans auparavant. Elle ne sera désormais plus seulement l’épouse d’Alexandre. Cap est mis sur une autre destination : elle va aussi épouser le rôle de maîtresse. Un triptyque – femme – maîtresse – amant - que l’on aurait pu croire largement étudié et même disséqué dans la littérature. A tort. Le regard que l’auteur porte ici est un regard neuf, aiguisé, lucide, incroyable de justesse. Perturbant même.
Claire, écartelée entre la culpabilité qui la ronge et le désir qui la submerge, voit ses fondations fortement ébranlées, proches de l’effondrement. Ce désir fou, dévorant, qui accapare ses pensées jour et nuit et l’anime de pulsions incoercibles, n’a d’égale que sa peur à l’assouvir. Le bonheur n’est pas simple. S’il se laisse approcher, il se laisse difficilement conquérir. Et Claire de se demander : « Pourquoi le bonheur ne rend-il pas heureux ? » Un constat qui amène la femme à l’esprit jusque là manichéen à faire face aux vraies questions jusqu’ici refoulées par son petit chemin de vie paisible : interrogations relatives au pouvoir, à la politique,à la mort, à la folie, à l’existence, au désir au sens large, à la relation à Dieu. Difficile cependant de trouver des réponses quand on se trouve soi-même au cœur du problème, quand on ne dispose d’aucun recul par rapport à la situation.
Un recul que vont nous offrir deux femmes, vivant dans une autre dimension, du moins nous est-il donné lieu de le penser jusqu’au rebondissement subtilement mené de la fin. Il s’agit d’Esméralda, son ange gardien, personnage raisonné et un peu fantasque à la fois, dont la mission dans le ciel est de protéger « La Petite », en l’occurrence Claire. Une veilleuse d’âme accompagnée de son acolyte, Tomahawk, toutes deux chargées, à l’instar de Damiel et Cassiel dans le film « Les ailes du désir » de Wim Wenders, de recueillir les monologues intérieurs des humains. Si Claire est noyée dans le tourbillon de ses sentiments, de ses doutes, dans le tsunami que cette relation adultérine déclenche en elle, Esméralda permet à l’auteur d’apporter un éclairage distancié, critique, sans être dogmatique ni dénué d’humour sur l’éternel féminin.

Le roman, rédigé à la première personne, crée une intimité extrême entre les trois femmes et le lecteur. On entre au cœur de leurs pensées les plus intimes, on partage leurs tourments, leurs joies, leurs doutes, leurs certitudes, sentiments qui se révèlent être les nôtres, hommes comme femmes, offerts en miroir. Troublante identification à laquelle nul ne peut échapper...
Un roman à la frontière du réel et du fantastique, magnifiquement ciselé, tant au niveau de l’introspection féminine que de la construction, mêlant sensualité, sensibilité, humour et perspicacité.
Autrement dit, un cocktail de talent à déguster sans modération et ...sans plus attendre !

Karine Fléjo

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