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Chic,choc et charme



mercredi 9 septembre 2009

LA PLUME DE KARINE




Karine a lu pour vous et d'un trait de plume MagChic elle virevolte et donne à l'ouvrage sa véritable dimension


La plume de Karine


Ce roman a été récompensé par plusieurs prix : Prix des lecteurs de l'Express, Grand Prix Marie-Claire du roman d'émotion, Prix Crésus.


D’autres vies que la mienne : la mort, force de vie.


Emmanuel Carrère, auteur sombre, souvent qualifié d’égotique, nous offre ici une œuvre magistrale. Un travail d’autant plus délicat que de son propre aveu, ce récit lui a été commandé par deux des protagonistes. Comment parler de ce sujet tabou qu’est la mort, comment éviter que la compassion, inévitable ici, ne le mette, lui, en danger ? Après des hésitations, il vainc ses résistances premières et se lance dans le récit de ces vies auxquelles le hasard va lier inextricablement la sienne.


Tandis qu’il se trouve en vacances au Sri Lanka, en 2004, il assiste impuissant à la détresse d’un couple dont la fillette de 4 ans, Juliette, est emportée par le tristement célèbre tsunami. Premier choc. Premier face à face avec la mort, le désarroi de parents endeuillés. De retour en France, malheureuse coïncidence, une autre Juliette, sa belle-sœur, se meurt d’un cancer, laissant derrière elle Patrice, son doux mari, et leurs trois adorables fillettes. Une femme qu’il connaissait jusqu’alors peu, à la santé aussi fragile que la détermination forte, engagée en tant que juge aux côtés d’un confrère, Etienne, dans une lutte acharnée contre les abus des sociétés de crédit.


Il réalise alors que ses problèmes ne sont que tout relatifs face aux épreuves traversées par ces êtres. Un nouvel horizon s’ouvre à lui. Une métamorphose intérieure doucement opère. Face à leur souffrance et leur héroïsme, il va en oublier son narcissisme, relativiser son mal de vivre et puiser la force de mettre à distance ses démons intérieurs en s'ouvrant aux autres. Parce qu’il est percuté en pleine face par la dure réalité que sont la fragilité de nos vies et de celles de nos proches, il va s’efforcer de vivre plus intensément la sienne au quotidien… et d’aimer. Oui, celui qui entretenait jusqu’ici une vision désabusée de l’amour conjugal, ne croyant guère en sa longévité, trouve en l’exemple des parents endeuillés de la petite Juliette et dans celui du couple formé par sa belle-soeur et son mari, la foi en un amour profond, durable, possible. Sa plume sobre et redoutablement juste se met au service de l’intensité des sentiments, des nécessaires concessions, de l’émouvante complicité propres à tout authentique amour. Et de consolider son couple en voie de naufrage. A travers la vie des autres, il renaît à la sienne, pacifié.



Ainsi, si l’évocation de la mort est omniprésente, c’est pour mieux mettre en exergue le caractère précieux de la vie. En prise directe avec la réalité, l’auteur relate les faits bruts, dans toute leur crudité, avec une magnifique dignité, évitant avec brio l’écueil du misérabilisme. Parce qu'il nous confronte à nos propres angoisses existentielles, il nous renvoie inévitablement à nous.On est à notre tour emporté par la vague du tsunami, secoués, remués, chahutés, jusqu’à la page finale qui nous dépose en état de choc avec un regard neuf sur la vie.



Le récit est dur, très dur, mais jamais glauque ni sinistre. Au contraire, c'est une ode à la vie, un hymne au combat dans tous les domaines (celui de la santé, du social, …). Une lecture qui enrichit et ennoblit l’âme. Car si la mort d’un enfant, le deuil, la maladie, l’injustice, la précarité, l’inhumanité bancaire forment l’étoffe de ce récit, la trame n’en demeure pas moins et surtout l’amour… encore et toujours l'amour.


"Peu de livres changent une vie, quand ils la changent, c'est pour toujours" écrit Christian Bobin dans La plus que vive. D'autres vies que la mienne fait partie de ces rares livres-là...

Karine Fléjo

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