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Chic,choc et charme



vendredi 7 août 2009

LA PLUME DE KARINE





Editions Juillard

« Nul n’est à l’abri de l’abominable. Nous sommes tous capables du pire ! » Cette phrase extraite de la quatrième de couverture pourrait à elle seule résumer ce livre qui relate un fait divers (fait d’Enfer devrais-je dire ?) réel de l’histoire de France. L’enfer ce ne sont pas les autres, c’est nous. Oui, NOUS, si nous ne sommes pas vigilants…Car les êtres auxquels il est difficile ici de par leur comportement de garder le qualificatif d’humains, qui s’acharnent sur un homme paisible, amène, dévoué Alain de Monéys, ne sont pas des extra-terrestres, des sauvages surgis de la préhistoire. Ce sont des villageois, jusqu’alors cléments, vivant en France, il y a un siècle de nous seulement...

En ce 16 août 1870, jour de foire à Hautefaye dans le Périgord, tout démarre sur un malentendu. Une phrase mal interprétée, un bouche à oreille redoutable, et voilà que les esprits s’échauffent. L’effet de masse est sidérant, fulgurant. Les villageois ont les nerfs à vif : la guerre contre la Prusse tourne mal, la misère gagne, la sécheresse anéantit les récoltes et décime le bétail. Dans ce contexte explosif, il suffira d’un quiproquo, pour que l’étincelle jaillisse et que la foule s’embrase. Et l’auteur de nous montrer avec finesse tout l’absurde de la situation : la victime est coupable… d’être innocente ! Une victime appréciée de tous, qui en l’espace d’une minute va passer du statut d’ami et compatriote à celui d’ennemi juré non seulement du village entier mais de la France. Un bouc émissaire pour exorciser toutes ces tensions ressenties par les villageois. Il leur fallait une tête de turc, c’eût pu être n’importe qui. Ce sera lui…
La victime est d’autant plus émouvante que face à cette déferlante de haine, elle ne surenchérira pas.
Au contraire, Alain de Monéys multipliera les rappels à la raison, continuera à appeler ses tortionnaires « mes amis », croyant jusqu’au bout pouvoir les faire revenir au calme.
Sur ce raz de marée humaine de 700 habitants, seule une poignée d’entre eux, tentera de s’interposer, au nombre de laquelle, la pure et bouleversante Anna, amoureuse, prête à risquer sa vie pour lui.
En vain.
Chapitre après chapitre, l’auteur nous emmène, plan à l’appui, sur les traces de son chemin de croix. Treize étapes toutes plus atroces les unes que les autres, deux heures interminables où l’on assiste, effaré, abasourdi, incrédule, à cette pandémie de violence inouïe qui gagne du terrain jusqu’à cette mise à mort finale par cannibalisme.

Dérangeant, terrifiant, ce livre témoignage de Jean Teulé nous interpelle sur les dangers, toujours actuels, qui guettent une population dès lors qu’elle est soumise à une trop forte pression. Vient un moment où il lui faut une victime expiatoire, des êtres sur lesquels se défouler, fût-ce jusqu’à les anéantir. Voilà qui interpelle sur la nature même de l’être humain...
Des dialogues percutants, d’une redoutable efficacité, un style limpide, une reconstitution historique précise, il fallait tout le talent de Jean Teulé pour exprimer l’indicible.
Karine Fléjo

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